
La Chine s’éveille
Chaque semaine Jean-Pierre Frankenhuis pose son regard amusé sur l’actualité d’un ballon qui ne tourne pas toujours rond.
Chaque semaine Jean-Pierre Frankenhuis pose son regard amusé sur l’actualité d’un ballon qui ne tourne pas toujours rond.
Lorsque Lin Piu Jong, un très riche entrepreneur bien connecté avec le gouvernement chinois, m’a appelé de Beijing je me suis douté qu’il ne s’agissait pas de sa passion pour le vin de Bordeaux. En effet, la Chine ayant pris un intérêt soudain mais majeur pour le foot, il ne fallait pas attendre trop longtemps avant que Lin Piu tourne son regard – et ses yuans – vers ce sport.
Je l’avais aidé, par le passé, lorsqu’il avait décidé d’acheter un très grand cru pour faire plaisir à sa femme lors de son trentième anniversaire, même si elle préférait le rosé. Avec un glaçon. Et une paille. Dans la lancée il avait aussi acheté une belle villa au Pyla, qu’il n’utilisait que pendant quinze jours en hiver quand la ville est presque déserte, vexé d’avoir malencontreusement été confondu avec un jardinier par l’un des habitants traditionnels qui émigrent de Bordeaux en Été.
Cette fois-ci, cependant, son ambition semblait démesurée.
Il y avait eu, apparemment, confusion dans sa tête à la lecture des innombrables articles parus dans la Presse sur cette institution. Il avait remarqué que quelques membres étaient accusés d’avoir vendu leurs votes pour le choix du pays hôte de la Coupe du Monde. Ou pour l’attribution de droits TV. Ou pour l’allocation de billetterie. Ou pour tout ce qui n’était pas vissé parterre.
“Ah, bon,” m’a-t-il répondu après que je lui expliquai que la plaque ‘À VENDRE’, qu’il avait vue sur l’immeuble de Zurich n’était qu’un photomontage par un journal satirique.
“Très bien, mais si la FIFA n’est elle-même pas à vendre, est-ce que nous pouvons acheter l’équipe de France ?” Puis d’un ton mutin d’ajouter, “ma femme est fan de sextapes et je n’y suis pas opposé si on les regarde ensemble.” Sentant qu’il était déçu d’apprendre que ce n’était pas plus une possibilité que la FIFA, je me suis vu dans l’obligation de lui expliquer comment fonctionnait le football mondial avant de lui suggérer l’achat soit d’un club hors de Chine soit, plus prosaïquement, de plusieurs joueurs pour un club en Chine qu’il pouvait acquérir, si ce n’était déjà fait.
L’enthousiasme dans sa voix était évident et il me demanda de lui faire des propositions. Nous avons de suite éliminé l’Angleterre où, comme on sait, les clubs les plus traditionnels qui sont l’âme et la fierté des Anglais appartiennent presque tous déjà à des étrangers, Américains, Thaïlandais ou riches habitants du Golfe. L’Italie lui a semblé hasardeuse car on avait déjà essayé par deux fois dans le passé de lui vendre le Colisée. L’Espagne lui a paru trop chère puisqu’il lui fallait, à l’achat, rembourser les dettes monumentales des grands clubs, qu’ils ne remboursent évidemment jamais eux-mêmes.
“Et un club de L1 en France ?”, je lui ai demandé. Il y eut un grand moment de silence. J’ai même cru que la ligne avait été coupée.
Aux dernières nouvelles Lin Piu Jong a acquis un club chinois et a convaincu la Chine d’acheter le Brésil afin de bénéficier du premier choix de leurs joueurs parmi les 700 et quelques qui quittent le pays tous les ans. Et puis la femme de Lin Piu aime beaucoup les “caipirinhas”.
Par Jean-Pierre FRANKENHUIS suivre @jpbordeaux16