
A voté !
Chaque semaine Jean-Pierre Frankenhuis pose son regard amusé sur l’actualité d’un ballon qui ne tourne pas toujours rond.
- 4 mars 2016
- Posté dans Le clin d'oeil
Comme un jour de gros rhume où l’on s’installe sur le canapé à côté de la cheminée, un verre de grog en main, je me trouvais en plein après-midi face à la télé, coincé entre un passionnant programme culinaire sur l’histoire de la quiche lorraine du Moyen Âge à mercredi en huit (merci, Francis Blanche !) et une télé-réalité sur le divorce et comment le faire durer. Et puis, en zappant pendant une pub je suis tombé sur TV FIFA, en direct de Zurich, en pleine élection.
Ils étaient, manifestement, en train de voter car sur place comme à l’écran il n’y avait que de la musique d’ascenseur d’hôtel 3-étoiles en zone industrielle. Les gens se promenaient, des petits groupes se formaient et se déformaient et, sur le devant, on pouvait voir les quatre candidats. L’un d’entre eux, tête baissée, tapotait furieusement sur son smartphone, les autres papotaient en essayant d’avoir l’air “cool”.
Le Président-par-intérim annonça, d’une voix lugubre, que le vote était terminé et qu’ils allaient procéder au comptage. Entre la salle où se trouvaient les 209 présidents de Fédérations et leurs accompagnateurs, assistants – et jeunes nièces – et l’imposante succession de membres du Comité Exécutif ayant survécu les descentes policières au Baur-au-Lac et qui leur faisaient face, se trouvait une large table carrée autour de laquelle étaient installés ceux qui allaient comptabiliser le scrutin.
Des piles de bulletins de votes étaient mis de façon aléatoire devant chacun d’entre eux et un Monsieur d’un gabarit certain circulait autour de la table, montrant certaines choses du doigt, bougeant des papiers de l’un à l’autre, mettant sa main sur l’épaule de l’un d’entre eux pour lui signifier sa satisfaction d’un travail bien fait, pendant que le Secrétaire-Général faisait les additions. Il fallut au moins 20 minutes pour qu’une dizaine de personnes compte 209 votes.
Le Président-par-intérim annonça, d’une voix fatiguée, que le comptage était terminé et, après détailler le nombre de votes obtenus par chacun il déclara qu’aucun des candidats n’ayant atteint 2/3 du total on allait procéder à un nouveau vote. L’un des candidats, tête baissée, continuait à tapoter furieusement sur son smartphone. La musique qui adoucit les mœurs si ce n’est les endormir revint et les candidats commencèrent à circuler, serrant les mains, enveloppant quelqu’un qu’ils n’avaient pas vu depuis qu’ils ne s’étaient jamais vu, avec un bras accueillant, riant aux éclats de blagues qu’ils n’avaient entendu qu’à moitié.
Tout le circuit reprit et, finalement, le Président-par-intérim annonça d’une voix soulagée le détail de votes obtenus par chaque candidat. Gianni Infantino fut élu et fit un discours ému, comme s’il avait été surpris qu’après avoir passé de longues semaines à voyager dans le monde entier pour convaincre les électeurs de 5 continents de voter pour lui, ils l’avaient fait. L’un des perdants, tête baissée, tapotait toujours furieusement sur son smartphone.
Le lendemain Sepp Blatter, président sortant / sorti, rappela à Gianni qu’il devait se méfier car, après les sourires, il allait devoir maintenant subir les trahisons et, surtout, les journalistes qui étaient la cause première et unique de sa déchéance. Rappel fait, bien entendu, à un journaliste.
Malheureusement, lorsque je suis retourné voir l’histoire de la quiche le programme était fini et je n’ai jamais su la suite. Dommage, c’était autrement plus intéressant.
Par Jean-Pierre FRANKENHUIS suivre @jpbordeaux16