
Les Humanistes
Chaque semaine Jean-Pierre Frankenhuis pose son regard amusé sur l’actualité d’un ballon qui ne tourne pas toujours rond.
- 11 mars 2016
- Posté dans Le clin d'oeil
Ça y est, on a la vidéo ! Enfin, on ne l’a pas encore et ce ne sera que dans des cas limités. Par exemple, est-ce qu’en cassant le tibia de son adversaire il avait l’air de lui en vouloir ? Est-ce qu’après s’être installé dans les 18 mètres depuis le début de la rencontre, attendant sagement que la balle lui arrive, il était vraiment hors-jeu ? Est-ce qu’en écartant le bras dans la surface, déviant ainsi la balle avec la main il avait délibérément fait “penalty” ou est-ce qu’il voulait juste montrer un nouveau tatouage à son collègue en défense, mais au mauvais moment ?
Bien entendu, il y a encore opposition, même à cette utilisation réduite de la vidéo. Sous prétexte que l’erreur est humaine, on estime que refuser un but qui aurait qualifié l’équipe pour une demi-finale en accordant un hors-jeu totalement inexistant rend le football, lui aussi, plus humain, donc, en principe, meilleur pour notre âme. Dans cet esprit, on suppose qu’attribuer la commercialisation de droits TV à l’agent qui contribue le plus à votre compte en Suisse ou vendre son vote lors de l’attribution d’une Coupe du Monde font partie de ce magnifique Humanisme, dont la devise rabelaisienne serait “Fais ce que voudras. Car les gens libres, bien nés et bien instruits ont par nature un instinct qui toujours les pousse à faits vertueux.”
L’autre argument contraire à la vidéo est le temps mort qu’occuperait chaque arrêt pour consultation, avec un soi-disant ralentissement conséquent du jeu. Les opposants, avec mauvaise foi (humaniste), font semblant d’ignorer la possibilité de limiter le nombre permissible d’appels par mi-temps pour chaque entraîneur. Et, dans la foulée, de citer le tennis comme exemple de sport supportant des délais parce que, selon leur argument, il fait appel à la vidéo…
Or, les délais quelques fois insupportables lors d’une rencontre de tennis n’ont pas leur origine dans les appels faits par les joueurs, qui durent eux tout au plus une quinzaine de secondes. Leur origine est l’immuable pantomime qui précède le premier service, bien au-delà du temps alloué. On signale au ramasseur que l’on a besoin de la serviette, on attend de l’avoir, on s’essuie, on la jette plus ou moins vers l’arrière, on jongle avec trois balles puis on en largue une ou deux dans la direction générale du ramasseur, on réajuste les bijoux de famille en prenant soin de sortir le short de son entre-fesses, on vérifie que les cheveux du côté droit puis du côté gauche sont bien fixés sous le bandeau, on fait rebondir la balle 23 fois et, finalement, on se place, on fixe son adversaire quelques secondes et pan ! on sert hors ligne. D’où reprise partielle du déroulement.
Au football, nous avons plusieurs équivalents qui coupent déjà aujourd’hui le fameux rythme de jeu cher aux opposants de la vidéo. Le plus flagrant est le joueur qui reçoit une petite faute, s’écroule spectaculairement (note de 5.9), se roule trois fois parterre – pas quatre parce qu’il n’a plus d’élan – se tord de douleur ou reste complètement immobile, au point où le “relations publiques” de l’équipe rédige déjà le faire-part dans sa tête. Et pourtant, dès que l’arbitre montre un carton jaune à son adversaire fautif, le sang revient aux joues du blessé, sa jambe se remet à fonctionner et, aux cris de “miracle” de ses co-équipiers il se lève pour tirer lui-même la faute.
Entre temps personne, absolument personne n’a été capable à ce jour de citer une seule instance où les assistants à côté du but, ceux censés remplacer la vidéo, ont eu la moindre influence sur le déroulement du jeu. Ils ne semblent voir ni les accrochages, ni les étreintes, ni les fautes, ni les mains. Et l’on remarquera qu’en cas de doute dans la surface l’arbitre ira consulter l’assistant sur la touche, jamais celui à côté du but. On est humain ou on ne l’est pas.
Par Jean-Pierre FRANKENHUIS suivre @jpbordeaux16