
EXCLU Frédéric Guilbert : “Le tacle, ma marque de fabrique”
Cette semaine, Frédéric Guilbert, meilleur tacleur de Ligue 1, s’est longuement confié à Foot-Express.com. Entretien fleuve avec Laurent Brun.
- 26 avril 2016
- Posté dans Ligue 1
Formé au Stade Malherbe de Caen et viré en 2012-2013, Frédéric Guilbert, parti à Cherbourg, en CFA, est repéré par les Girondins de Bordeaux. D’abord intégré en réserve, au même niveau, il gratte sa place chez les pros en 2015 sans jamais lâcher le morceau. Titulaire cette saison, le défenseur polyvalent enchaîne les belles prestations individuelles. Avec un goût d’amertume quand même au bout du tacle…
Comment te sens-tu, en cette fin de saison difficile ?
J’ai des douleurs partout, mais c’est logique, j’ai beaucoup joué. Mais maintenant, les défenseurs qui étaient blessés reviennent, donc je vais pouvoir souffler un peu.
Jouer le maintien, avec un club tel que Bordeaux, ça fait quoi ?
(Soupir de dépit) En étant poli, ça me fait chier ! Un club comme Bordeaux ne doit pas jouer le maintien, mais le haut de tableau. Après, on a une équipe très jeunes, on a eu beaucoup de blessés, et cette saison a permis aux jeunes de se dévoiler. C’est de bon augure pour la suite, car on aura un peu d’expérience.
Tu as gagné tes galons de titulaire, alors que certains ne misaient pas un euro sur toi ? T’as envie de leur dire quoi, à ceux-là ?
J’ai rien à leur dire… Je fais mon travail, je me concentre sur moi-même et me donne toujours à fond, à l’entraînement et en match. Après, il y a des hauts et des bas dans les performances, mais c’est le football.
Ta taille (1,78 mètres), ça revient souvent ; ça t’énerve qu’on dise que t’es trop petit pour jouer en défense centrale ?
Non, ça ne m’énerve pas… je suis comme je suis et mes parents m’ont confectionné comme ça ! Maintenant, il faut s’adapter et répondre présent, malgré ma petite taille. Disons que c’est surtout sur les phases arrêtées que c’est plus compliqué, mais dans le jeu, je pense que je peux rivaliser avec des mecs d’ 1m.85 ou d’1m.90… ça ne me fait pas peur !
Justement, tu préfères évoluer dans l’axe, comme actuellement, ou arrière latéral ?
Je jouerai là où l’on me met… je n’ai pas de préférence au poste. Je commence à m’y habituer et à y prendre goût, donc c’est bien pour la suite. Quand j’étais jeune, je jouais numéro dix, milieu gauche… mais je prends du plaisir sur le terrain, quoi qu’il arrive.
Tu es déjà considéré comme l’un des meilleurs tacleurs de Ligue 1 ? C’est un vrai kif ?
C’est un geste technique comme un autre. J’aime défendre, ne pas prendre de but… Je préfère faire un beau tacle glissé que mettre un petit pont, c’est comme ça ! Parce que ça, c’est pas mon délire… J’affectionne ce geste, que tout défenseur doit maîtriser, mais il faut aussi que j’apprenne à mieux défendre debout et, surtout, à éviter de tacler tout le temps, histoire d’être un défenseur plus complet… Mais le tacle, c’est peut-être ma marque de fabrique.
Tu avais un joueur modèle, plus jeune ?
J’ai toujours été fan de Ronaldo – Cristiano –, mais maintenant, c’est beaucoup plus compliqué (rires) ! Ça, c’était quand je jouais attaquant… Sinon, au poste de défenseur, j’aimais bien Ramos, Marcelo et, aujourd’hui, Thiago Silva. Bon, Ramos, c’était à la belle époque, parce que là, il a un peu plus de mal (rires) !
Cette saison, tu évolues avec beaucoup de jeunes, mais tu fais presque figure de « vieux » parmi eux, plus estampillés « génération Playstation ». Pourquoi ?
Je me considère comme un jeune car ça ne fait qu’un an que je suis professionnel et parce que je n’ai que 21 ans. Mais c’est vrai que je fais partie de… la classe moyenne ; on va dire ça comme ça ! J’essaie d’écouter les anciens et c’est grâce à eux que je vais avancer et qu’on va avancer.
Quel est ton regard sur la désinvolture présumée de tes copains ou de tes homologues, dans le football actuel ?
Quand on est jeune, on n’a pas forcément l’exigence du haut niveau ; il faut l’apprendre. Certains l’acquièrent très vite et d’autres mettent un peu plus de temps. Mais aujourd’hui, il faut vite se mettre au diapason parce qu’on sait comment c’est en Ligue 1… Il y a tellement de joueurs, qu’on passe vite à la trappe.
Le PSG a étrillé Caen (6-0) ; c’est une bonne chose de les rencontrer le 11 mai (match décalé à cause de la finale de la Coupe de la Ligue remportée par le PSG face à Lille, 2-1) ?
En tant qu’ancien caennais, ça m’est égal… Après, on connait Paris, ses qualités individuelles et collectives : c’est une grande équipe. Ils ont eu envie de revanche au vu de leur Ligue des Champions mais, suite à ça, c’est quitte ou double : soit ils arrêtent de jouer, soit ils deviennent encore plus forts…
On te prédit un bel avenir. Qu’en penses-tu ?
Dans l’idéal, je souhaite avoir une carrière linéaire tout en progressant, même si c’est fait de plein de péripéties, ce que j’ai déjà vécu plus jeune. Pour le club, je n’ai toujours pas eu de discussion… J’ai un contrat jusqu’en 2017 et quand on viendra me parler, je serai là. Mais si l’on ne vient pas me parler, on verra… Je suis bien à Bordeaux, j’aime ce club et j’ai envie de continuer. Je ne suis pas décideur de ça, mais je ne pourrai pas attendre une éternité non plus…
Tu connais une trajectoire incroyable, quand même…
J’ai été sélectionné une fois en Espoirs et ça s’est très bien passé. On m’aurait dit ça il y a trois ou quatre ans… quand je me suis fait virer de Caen, j’aurais peut-être rigolé. Et quand j’ai signé en début d’année, si l’on m’avait dit que j’aurais joué autant de matches (40), j’aurais rigolé aussi ! C’est la preuve que le foot ça va vite, et dans les deux sens… Il faut faire attention à ça, sachant que quand on est bien, la chute est encore plus forte… Donc, il faut se méfier et toujours travailler.
As-tu un sentiment de revanche par rapport au fait d’avoir été viré de Caen ?
J’ai été viré, c’est vraiment le cas, oui (rires) ! Ce sont des choix… De toute façon, je n’ai pas de gêne à le dire… Si cela n’était pas arrivé, il ne se serait peut-être pas passé ce qu’il s’est passé : je ne serais pas là ! C’est donc un mal pour un bien. Mais question de revanche… je mentirais si je disais non. Pourtant, il faut en faire abstraction et avancer. J’ai toujours ça dans un coin de ma tête et c’est peut-être aussi mon essence… »
Par Laurent BRUN, au Haillan.