
Arnaud Ramsay : “Je suis un enfant de France Football”
A quelques heures du verdict du Ballon d’Or 2018, pour lequel Antoine Griezmann est en lice, Arnaud Ramsay nous livre ses secrets de fabrication de biographies et pose son regard sur un métier qui le passionne encore : celui de journaliste.
- 27 novembre 2018
- Posté dans L'interview
Aujourd’hui âgé de 46 ans, Arnaud Ramsay a inventé son premier journal à 13 ans, baptisé La Belle Feuille puis Pyramide. Depuis, Arnaud a écrit bien des chapitres et publié une vingtaine d’ouvrages et autobiographies officielles de sportifs (Bixente Lizarazu, Nicolas Anelka, David Douillet, Youri Djorkaeff ou encore Mathieu Bastareaud).
Arnaud, racontez-nous comment vous vous êtes lancé dans le journalisme ?
En général on s’imagine devenir médecin, avocat, footballeur ou encore astronaute. J’ai eu la chance d’avoir un déclic à 13 ans lorsque mon voisin m’a demandé de l’aide pour vendre le journal qu’il rédigeait avec ses amis de classe. Le soir, j’ai fait ma première nuit blanche avec comme comme objectif de faire mon propre journal. Je l’ai écrit, et ma mère le retapait à la machine à écrire. Il faisait une vingtaine de pages, j’ai fait ma propre mise en page. Le hasard de cette rencontre avec mon voisin a révélé ma vocation pour le journalisme. Je me suis occupé de ce journal jusqu’à mes vingt ans, j’avais attrapé le virus de l’écriture.
De quoi parlait votre journal et comment l’avez-vous vendu ?
Il traitait un peu tous les sujets, il évoquait le sport, la musique, le cinéma, la cuisine, il y’avait des sondages… Mon journal s’appelait La Belle Feuille, la rue où j’habitais, puis Pyramide, car c’est un journal en pointe, comme une pyramide. Mon frère m’aidait à faire le tour des immeubles pour le vendre. Un jour, j’ai appelé au culot le quotidien L’Equipe et j’ai présenté mon journal ainsi que mes interviews des joueurs du PSG. J’ai par la suite demandé à interviewer l’équipe de France à Clairefontaine, ce qu’ils ont acceptés. J’ai pu discuter pendant une bonne heure avec Emmanuel Petit, à 19 ans. Certains joueurs se sont abonnés à mon petit journal. Comme les gens ne me croyaient pas, je les prenais en photo avec mon journal. Depuis 1998, Clairefontaine est passé dans une autre dimension, je ne pouvais plus avoir mes quelques minutes précieuses avec les joueurs car ils étaient devenus de vrais stars.
Que se passe t-il par la suite ?
J’obtiens mon premier CDI en 1999 avec France Football (L’Equipe) pour relire les papiers du dimanche. Un jour, le rédacteur en chef me demande d’écrire un article afin de faire vivre les lecteurs dans la peau d’un futur joueur professionnel. J’ai appelé le directeur de la communication du Paris Saint Germain et ce dernier me propose un joueur timide mais avec beaucoup de compétences : Nicolas Anelka, âgé de 15 ans. J’ai suivi Anelka durant toute sa carrière, je connais sa famille, je suis même allé à son mariage.
Vous avez aussi écrit des autobiographies officielles, quelle est votre recette ?
Il faut savoir que la plupart du temps, ce n’est pas les sportifs qui me sollicitent, je suis généralement contacté par mon chef qui va me demander de parler de tel joueur. Je dois m’assurer que le joueur ait confiance en moi car il s’agit de son livre, mon rôle est d’écrire comme lui et de le représenter. La matière principale d’une autobiographie est d’amasser les anecdotes et l’histoire du sportif. Je considère qu’il faut entre 25 et 30h d’entretien ou il se raconte, se livre à moi. Par la suite, il faut tout décrypter, organiser, et des heures importantes d’écriture. Ensuite, le joueur doit valider ainsi que l’éditeur.
Comment s’est déroulée l’écriture du livre de Griezmann Derrière le sourire ?
Je suis d’abord rentré en contact avec la sœur de Griezmann pour lui exposer mes idées, elle m’a programmé un premier rendez-vous chez lui à Madrid. Il s’est rapidement pris au jeu et s’est confié et m’a raconté son histoire comme celle du Bataclan ou encore de la suspension en Espoirs. J’ai aussi rencontré sa famille afin qu’ils me racontent leur histoire. Le livre a été vendu à 30 000 exemplaires (format normal) et 20 000 exemplaires en format poche. Le père de Griezmann m’a écrit un mail en me disant qu’il retrouvait vraiment son fils à travers ce livre, c’est une grande fierté pour moi.
Quelle est la biographie que vous aimeriez réaliser ?
J’ai envie d’être surpris, j’ai la chance d’avoir interviewé des entraineurs, des présidents, des champions du monde etc. Il y a José Mourinho que je trouve génial, qui me fascine, il a tout gagné, il parle cinq langues, il m’intéresse vraiment. Mbappe, Federer, tout est parfait pour eux, Mourinho lui, a commencé en tant que professeur d’éducation physique et c’était un mauvais joueur.
Avez-vous encore des liens avec les joueurs après les biographies/livres ?
Si je les revois, c’est toujours un grand plaisir. La plupart du temps il se crée quelque chose mais le journaliste doit savoir rester à sa place, on n’est pas copain.
Si vous deviez donner un conseil à un jeune journaliste qui voudrait se lancer ?
Je lui dirais qu’il faut y croire, il faut être passionné et surtout curieux, savoir vérifier, aller sur le terrain, passer un coup de fil… Je trouve qu’il y a trop de jeunes qui se projettent trop loin sans se faire les dents. Il n’y a pas de petit et de grand sujet, il faut savoir les mettre en valeur. Le journaliste doit se réinventer constamment.
Vous n’avez jamais voulu faire un autre métier ?
Non jamais. J’essaye de me réinventer tout le temps. La seule chose qui aurait pu me plaire, et j’ai d’ailleurs investi dedans, c’est de tenir une librairie, c’est un métier qui ressemble à celui du journaliste. Sinon, je n’ai pas eu d’envie de changer de vie même si j’ai démissionné plusieurs fois (4 fois).
Avec quel groupe avez-vous aimé le plus travailler ?
Je suis un enfant de France Football, j’y ai travaillé de 1999 à 2005, ce fut extrêmement long pour moi mais cela m’a permis de toucher à tout. J’ai eu l’occasion de voyager dans différents pays comme le Japon (5 semaines), l’Australie, Malte… C’est un titre auquel je suis vraiment attaché.
Propos recueillis par Clara LAROCHE (21 Sport, Isefac Paris)