
Martin Fourcade ‘ On ne pourra pas me reprocher de ne pas faire les choses à fond’
Jeune retraité, Martin Fourcade nous a accordé une interview pour évoquer cette fin de carrière mais aussi sa mobilisation pour le personnel médical, ses projets professionnels et personnels. Rencontre avec un winner.
- 6 mai 2020
- Posté dans Sport Express
Martin, comment se passe votre confinement ?
J’ai l’impression de faire pas mal de choses ! Première phase : grand ménage de printemps, deuxième phase : bricolage, troisième phase : travail. Je travaille sur les projets à venir, notamment sur l’événement que j’organise à Annecy au mois d’août, le Martin Fourcade Nordic Festival. Je passe aussi du temps en cuisine avec mes filles, on prend plus le temps de parler que d’habitude avec ma compagne. C’est un peu étrange comme moments à vivre, mais on s’occupe ! Il y a deux jours, cela a été un peu pénible mais sinon ça va.
Pénible dans quel sens ?
C’est le fait d’avoir du mal à se projeter. De ne pas avoir de date de fin de confinement. Comme tout le monde, on a du mal à toujours trouver du positif. On parle entre nous, c’est bien, on se recentre sur l’essentiel, mais on a besoin de se projeter, de voir ses proches. Je n’ai pas vu ma famille depuis six mois, depuis le début de la saison en fait, donc je voudrais passer un peu de temps avec eux.
C’est assez spécial comme début de retraite…
(Rires) Ce n’était pas ce qui était prévu ! Mais ce n’est pas une situation qui m’est spécifique. Je ne suis pas sûr que vous ayez prévu de passer votre mois d’avril comme ça non plus. J’essaie de relativiser. Je suis en tout cas très satisfait de la manière dont j’ai pu annoncer ma retraite, dont j’ai pu vivre cette dernière course. Satisfait aussi de la façon dont cela a été reçu et perçu. C’était une belle nouvelle dans cette période particulière où seul le coronavirus existait. Bien sûr, je ne m’attendais pas à cela mais je profite de choses dont je n’aurais pas pu en temps normal. Être avec mes filles est une des raisons pour lesquelles j’ai arrêté ma carrière. On ne pourra pas me reprocher de ne pas faire les choses à fond.
Comment vous vous maintenez en forme désormais ? Car vous n’avez plus besoin de l’être…
Il y a un besoin hormonal je pense. Quand son corps est habitué à faire du sport pendant 20 ans, je pense que d’arrêter doit être étrange pour l’organisme. Je ne suis pas dans cette optique. Pendant le confinement, je fais du sport tous les jours. Un peu de repos dans un premier temps pour récupérer physiquement et mentalement. Mais là, je n’ai qu’une envie : sortir pour faire du ski de randonnée, du vélo, de la course à pieds… J’aime le sport, j’ai fait du biathlon pendant 20 ans car j’aime ça. Mes choix de vie pour le futur vont rendre difficile une activité physique quotidienne mais je vais garder la forme ! Et au-delà du sport, c’est la manière dont j’ai réussi à construire des amitiés, à partager du temps avec ma femme, avec mes filles. J’ai envie de continuer cela. Et de découvrir tout ce que je n’ai pas pu découvrir avant car la vie de sportif de haut niveau est parfois contraignante. Je vais me laisser plus de liberté avec cela. Mais le sport est mon mode de vie. Je sus prêt à faire beaucoup de concessions dans ma vie future, mais pas celle d’arrêter la sport (Rires).
En ce moment, vous êtes à fond sur un projet coronavirus. Racontez-nous…
On récolte de l’argent pour la fondation des Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France. Le but est de récolter des fonds pour les aider sur l’achat de matériel médical, d’accompagner les soignants au quotidien et les familles. C’est une démarche qui a été lancée par le gardien de l’équipe de France de handball et athlète adidas, Vincent Gérard. Cela a vite été viral au sein de la communauté des athlètes adidas. On s’est tous donné le mot. J’ai été contacté par la judokate Gévrise Émane. On a tout de suite vu la puissance collective que cela pouvait avoir. On est tous engagés dans des causes pendant l’année. Et, en général, je ne prends pas la parole pour d’autres causes que celles que je soutiens. Mais là ça faisait tellement sens dans cette période si particulière… La situation est unique. Les athlètes Adidas se sont mobilisés : crampons, maillots… C’est le dossard jaune de leader la Coupe du Monde pour moi. On est déjà à 16.000 euros, mon dossard est à 2000 euros.(7700 euros le mercredi 8 avril ndlr) C’est impressionnant. C’est également chouette car on se rend compte que l’on mobilise au-delà des athlètes adidas. Il y a aussi d’équipements sportifs par des athlètes autres notre team. On voit plus large. Le but n’est pas de faire parler de la marque mais d’apporter à la cause.
Avez-vous conscience d’être parmi les grands sportifs français, d’avoir marqué le sport français dans son ensemble, au-delà de votre discipline ?
Je ne me pose jamais trop la question. Je n’ai jamais voulu entrer dans le jeu des comparaisons. En revanche, un de mes grands plaisirs est de pouvoir dire qu’un athlète qui vient d’un sport pas forcément reconnu ces dernières années arrive à faire son nom dans le sport français. Je m’en rends compte par les témoignages des gens, de la mise en avant dont je fais l’objet. Je mesure ça. Ma grande fierté est de l’avoir fait en étant biathlète. J’ai réussi à décorréler les choses, notamment sur l’impact que l’on pouvait avoir sur les gens de la taille du sport que l’on pratique initialement. Et d’avoir réussi à changer l’image de mon sport.
Propos recueillis par Dimitri DJORDJEVIC