
Dura Lex, Sed Lex
Chaque semaine Jean-Pierre Frankenhuis pose son regard amusé sur l’actualité d’un ballon qui ne tourne pas toujours rond.
Chaque semaine Jean-Pierre Frankenhuis pose son regard amusé sur l’actualité d’un ballon qui ne tourne pas toujours rond.
La photo sur les réseaux sociaux laissait peu à l’imagination : Javlov Stefanovsky était debout, pantalon autour des chevilles, face à une nymphette de 15 ans, agenouillée devant lui. Le club avait soutenu son milieu de terrain vedette en expliquant que c’était un gentil garçon, tout en le suspendant pendant quinze jours.
“Ils m’ont manqué de respect,” déclara-t-il. “J’allais justement me mettre à genoux à côté d’elle pour prier ensemble. J’avais baissé le pantalon pour ne pas l’abîmer.”
Le 13ème. Tribunal des Us et Coutumes, alerté par le Comité National de Préservation des Moeurs, avait convoqué Stef puis l’avait mis en examen jusqu’à sa prochaine réunion trimestrielle où le dossier serait jugé, pouvant mener soit à la relaxe soit à un procès en abus de position dominante. Ce qui s’explique, vu qu’il était debout.
“Ils m’ont manqué de respect,” commenta-t-il. “Et je vais rater le derby dans une semaine.”
Entre temps, après de longues délibérations, la tenue de deux comités spéciaux et d’un déjeuner avec les vice-présidents dans une brasserie très connue (confit de canard, trois bouteilles de Fronsac), le Président de la Fédération avait diffusé un communiqué indiquant que “le joueur Stefanovsky ne pourrait être convoqué en équipe nationale jusqu’à avoir été jugé.”
“Ils m’ont manqué de respect,” suggéra Stef. “Mais c’est pas grave, parce que je peux jouer pour la Pologne puisque pour le moment je n’ai été convoqué ici qu’en équipe nationale sous-21.” L’entraîneur de la sélection polonaise, Waclaw Zsylywzspy, indiqua rapidement être intéressé.
Des dizaines de personnalités, dont des anciens joueurs et l’entraîneur de l’équipe nationale, expliquèrent qu’eu égard aux rendez-vous critiques à venir, dont l’Euro, il fallait absolument compter sur Stefanovsky et qu’il serait vraiment dommage (main sur la poitrine, du côté du cœur) qu’il ne puisse représenter son pays. Pas un mot sur la photo. “Quelle photo ?”
Le jour venu, le 13ème Tribunal se déclara incompétent en la matière, ce qui est surprenant s’agissant de football où tout le monde a son mot à dire. Ni le club ni la Fédération ne surent que faire, donc, comme d’habitude, ils ne firent rien.
“Ils m’ont manqué de respect,” cria Stef, furieux. “Ils m’ont jeté sur le tas comme un malpropre.” “Bonne idée,” s’exclama avec enthousiasme son avocat, “On va recourir au TAS.”
Le Tribunal Arbitral du Sport examina le dossier avec attention. Et la photo incriminante à la loupe. Surtout la partie où se trouvait la nymphette. Leur conclusion était non-concluante : à leurs yeux collectifs il n’était pas évident d’établir à quelle divinité elle semblait vouer son intérêt manifestement très intense. Dans le doute il fut, de ce fait, décidé de relaxer le joueur.
“Ils m’ont manqué de respect,” soupira Stef, soulagé. “Ils ne m’ont pas rendu la photo.”
La nymphette se convertit au bouddhisme qu’elle pouvait pratiquer assise avec les jambes croisées. Toujours mieux que se racler les genoux parterre.
Par Jean-Pierre FRANKENHUIS suivre @jpbordeaux16