
L’Ovalie du Footeux
Chaque semaine Jean-Pierre Frankenhuis pose son regard amusé sur l’actualité d’un ballon qui ne tourne pas toujours rond.
- 8 avril 2016
- Posté dans Le clin d'oeil
Il faut être clair : je n’y connais rien au rugby. Ni à 7, ni à XIII ni à XV. Il n’empêche, je suis suffisamment curieux et amateur de sports en tous genres pour m’intéresser à quelques rencontres, généralement lors du Tournoi. Notez que pour être crédible on dit “Tournoi” sans spécifier qu’il s’agit du 6-Nations, tout comme on dit “je vais sur le Bassin”, sans préciser (quelle horreur !) que c’est celui d’Arcachon. De temps à autres, afin de pouvoir participer activement à la conversation du lendemain avec les habitués du café, je regarde aussi la rencontre du jour de l’UBB pour le Top 14. (Notez la désinvolture dans l’emploi des appellations).
La première constatation majeure – et évidente – qui plaide largement en faveur du rugby par rapport au foot, est le comportement des supporters. Ici, pas d’hooliganisme, pas de “parcage” dans les stades. Tous se mélangent allègrement, flasque au poing, hommes, femmes ou autres, en tenues bariolées, fêtant ouvertement un exploit à côté d’un adversaire qui sourit entre deux gorgées et qui, au final, ne discute qu’à propos du “pub” où ils iront fêter ensemble la 3ème. mi-temps. Car c’est un autre cliché : le jeune footeux qui salue la caméra avec sa bouteille de bière est vu comme un voyou potentiel qui ira sans doute casser quelque chose, alors que le barbu du rugby au gros ventre dénudé qui arrose son interlocuteur est considéré comme un joyeux luron.
La deuxième différence avec le foot est que, si dans ce dernier on respecte les limites du terrain, au rugby on cherche justement à les ignorer. Lors des premières rencontres auxquelles j’ai assisté j’ai été surpris de voir la foule applaudir chaleureusement un joueur qui avait délibérément tapé la balle quelques six mètres plus loin, en touche. Je me suis souvenu de ce malheureux défenseur brésilien des Girondins qui était ridiculisé parce qu’à la suite de presque chaque intervention (musclée) de sa part pour enlever le ballon à l’adversaire, il cherchait laborieusement à faire une passe en avant en arrosant le plus souvent les gradins quelques 15 ou 20 mètres plus loin. Il aurait dû se convertir au rugby.
Par contre, là où ça ne va plus du tout c’est au niveau des règles. J’ai lu, par exemple, l’explication suivante d’un arbitre à propos d’un ‘en avant’ : “la règle dit que lorsque le ballon, est passé, si avec la force synergique il est envoyé en arrière et qu’il va vers devant, c’est jeu”. En d’autres termes si {x2/mv4=y/2!}, où m est le temps qu’il fait à Hong Kong… D’ailleurs, les propres fanatiques de rugby assis à mes côtés lors d’une rencontre haussent les épaules, font la moue et reprennent une gorgée sans me répondre quand je demande pourquoi l’arbitre a sifflé.
C’est amusant, aussi, de voir la nuée de porteurs d’eau qui se précipitent sur le terrain alors que le jeu continue. Ou l’arbitre qui papote avec les joueurs quand la mêlée s’effondre pour la 4ème. fois avant de creuser un trou avec son talon sur un terrain déjà bien malmené, pour montrer où elle doit se reformer avant de s’effondrer pour la 5ème. fois. Ou le retour à une faute signalée depuis si longtemps que cela pourrait être Mardi dernier. Ou le recours à la vidéo pour vérifier si le nez du pilier ensanglanté a été cassé avec un coup de poing de droite ou de gauche.
Ce qui nous amène aux fameuses valeurs du rugby. Qui, il me semble, instillent le machisme et des notions guerrières comme ‘la conquête’, se retrouvant surtout dans une certaine brutalité que l’on explique parce que c’est un ‘sport d’hommes’, point d’exclamation et main sur la poitrine. Le foot a ses hooligans dans les travées, le rugby dans ses travers.
Malgré tout, je continuerai à regarder le rugby, sans rien y comprendre.
Par Jean-Pierre FRANKENHUIS suivre @jpbordeaux16