
Frank Simon : “Le foot africain est en souffrance”
Grand reporter à France Football depuis 1991 et commentateur sur Canal + Afrique, Frank Simon est venu à la rencontre des élèves (21 Sport) d’Isefac Bachelor Paris. Pour parler de son métier-passion, de ses voyages, de foot féminin et de l’Afrique, un continent qui le fait vibrer.
- 5 novembre 2019
- Posté dans Foot africain
Frank, pour commencer, pourriez-vous nous raconter votre parcours professionnel ?
Je suis originaire de la Seine Saint Denis, j’ai commencé par une licence d’histoire. Puis une école de journalisme. Comme j’avais la passion du foot et du sport en général, j’ai postulé à France Football. Mon continent de prédilection c’est l’Afrique. Au début j’étais omnisport puis petit à petit je me suis centré sur le foot. J’ai travaillé pour la BBC, Canal Afrique, RFI. Je suis revenu il y a un an et demi sur Canal Afrique, avec un rôle de consultant autour d’une émission. Je suis aussi consultant sur certains matches.
D’où vient votre passion pour le foot ?
On en a pour des heures ! A l’époque il n’y avait pas autant de matches à la télé. J’ai commencé à m’intéresser à l’équipe de France de Michel Platini, puis c’est venu beaucoup aussi avec la pratique. Je continue de pratiquer le foot tous les dimanches, c’est une passion avant d’être mon métier. Comme toute passion, faut la cultiver !
Pourquoi vous vous êtes tourné vers le Foot africain ?
Depuis le début j’étais fasciné par la culture africaine, les accents, j’avais une nounou malienne. Dans ma classe, il y avait beaucoup d’africains. Je jouais au foot avec eux. Je me suis beaucoup intéressé au foot africain. Une « passion” un peu secrète, mes parents ne le savaient pas. Aujourd’hui on parle de plus en plus des africains. Ils sont plus respectés dans le foot. Il reste néanmoins des manques : d’infrastructures, la corruption… Le foot africain est en souffrance. Malgré tout ça, ils sont 5 aujourd’hui nominés pour le Ballon d’Or France Football.
Vous avez couvert une dizaine de CAN. Quelle est l’édition qui vous a le plus marqué ?
C’est difficile de choisir, j’en ai fait beaucoup. Elles m’ont toutes marqué. Mais j’ai quand même envie de dire la 1ère en 1994 en Tunisie. Elle m’est chère. A l’époque, dans le même hôtel, il y avait plus de 4 équipes nationales. On pouvait approcher et parler à tous les joueurs. Rencontrer de très grands joueurs. D’une discussion pouvait naitre quelque chose d’incroyable ! On tisse des liens forts. Au-delà des rencontres professionnelles on fait des rencontres humaines. Aujourd’hui ce n’est plus possible, tout est contrôlé.
Qu’avez-vous pensé de l’Algérie à la dernière CAN ?
Exceptionnelle. Une finale ça ne se joue pas, ça se gagne. Ils ont peut-être fait leur plus mauvais match de la compétition mais ils ont gagné. Ils dominent de plus en plus le foot africain. Il leur faut désormais persévérer et ne pas se reposer sur leurs lauriers. Le plus important reste les compétitions, et confirmer à la prochaine CAN, et à la Coupe du monde au Qatar en 2022.
Votre plus grand souvenir en tant que journaliste ?
Ce n’est pas en Afrique. Mon plus beau souvenir date d’après la Coupe du Monde 2010. Mon rédacteur en chef m’a demandé d’aller en Palestine pour un reportage. J’ai passé une semaine là-bas. Découvrir comment les Palestiniens vivaient, leurs quotidiens, leur privations… Je suis allé sans préjugés, j’ai écrit un reportage, derrière je me suis fait critiquer sur les réseaux. Depuis, ils ont été qualifiés 2 fois pour la Coupe d’Asie. En 30 ans, c’est mon souvenir le plus marquant.
Qu’avez-vous pensé de la Coupe du monde féminine l’été dernier en France ?
Que du bien. Je suis référent sur le football féminin pour France Football. J’aime bien le foot féminin, j’adore regarder. Je suis déçu, car je suis français, et qu’on n’ait pas atteint les quarts. Il y a eu beaucoup d’engouement autour de cette CDM. Malheureusement les gens ne suivent pas les matchs de D1. Le public ne vient pas assez, même pour les Ligues des champions. J’aimerais que les joueuses aient le public qu’elles méritent. Il y a des grands talents. J’ai eu le privilège de donner le ballon d’or à Ada Hegerberg. Je l’avais déjà rencontrée pour une interview. C’est une femme merveilleuse, sympathique, drôle. Elle représente très bien le foot Féminin. J’ai ressenti beaucoup d’émotions quand je lui ai remis, avec mon rédacteur en chef, le Ballon d’Or.
Grâce à votre métier, vous avez beaucoup voyagé. Quel pays avez-vous le plus apprécié ?
Je dirai l’Afrique du sud, j’ai vécu là-bas. J’aime beaucoup les cultures de ce pays, ainsi que ses valeurs. Néanmoins je garde un très bon souvenir de la Palestine.
A votre avis, pourquoi les équipes africaines préfèrent prendre des entraineurs européens ?
Les équipes africaines, parfois ne préfèrent pas prendre un entraineur local, car elles ont peur d’être influençables. Et certains veulent avoir un « blanc». Il faut donner la chance aux entraineurs locaux.
Quelle sera la nouvelle pépite de l’Afrique ?
Il y a beaucoup de joueurs talentueux. Le souci se situe au niveau de l’âge : on ne sait jamais réellement l’âge des joueurs, à cause des papiers. C’est un peu la loterie, faut qu’il soit dans un club qui lui fasse confiance, avec un bon entraineur. Il qu’il puisse jouer dès le début. Il faut de la patience. Par exemple Mané n’arrive que maintenant alors que ça fait 5 ans qu’il joue à un haut niveau. Il faut nourrir le talent.
Propos recueillis par Charlotte VILCHIEN